"C'était au temps des premières nations. En ces temps lointains, Notre Mère, La Terre prodiguait nourriture et gibier à toutes les tribus. Des Cocchises de la grande plaine armoriquaine aux Sioux des territoires de stadacona, des Mohawks d'Hochelaga aux Algonquins de Mistassini. Tous vivaient en harmonie. Car tous savaient que Notre Mère, La Terre, resterait généreuse si la paix régnait.
Puis l'homme blanc vint, et avec lui, la mort et la fatalité. Et bientôt, les guerriers tombèrent au combat contre les longs fusils..."
Nous étions tous assis dans la position "en indien", dans le salon sur le plancher de bois, dans la maison ancestrale de mes ailleuls. Ma grand-mère, fille d'un grand chef Sioux, nous racontait ces histoires légendaires. Et nous, ses petits-enfants, nous l'écoutions religieusement. Dans nos têtes, nous avions mille images de ces chevauchées, de ces montagnes, de ces rivières... De ces papooses et de ces guerriers allant affronter les créatures de la Nourricière Forêt. C'était la récompense à laquelle nous avions droit d'avoir été gentils et sages.
Et tiens, pourquoi pas.....
Puisque vous aussi avez été gentils et sages, je vous en raconte une que j'ai souvenance...
Le rocher et l'âme du guerrier
Il y a longtemps de cela, dans les grands territoires où l'on voyait le Soleil s'endormir et s'étendre sur la plaine, et où la Lune se levait dans la nuit pour surveiller et protéger ses papooses endormis, la tribu des Montagnais occupait la Nourricière Forêt de la Montagne qui touche le ciel.
C'était un peuple pacifique, qui vivait en harmonie avec la nature. Leur vie n'était pas facile, mais Notre Mère, La Terre s'assurait qu'ils ne manqua de rien. Les arbres donnaient les fruits , les rivières regorgeaient de poissons, le gibier était abondant. Mais un jour, et nul ne sut jamais pourquoi, la Montagne se fâcha. Elle gronda si fort que les rochers qui touchaient le ciel descendirent du sommet. Il ne fallut que peu de temps pour que toute la tribu se retrouva ensevelie sous les rochers. Mais ils étaient courageux, ces fils et filles du Chef Ours Brave. Et repoussant une à une les pierres et les roches, ils émergèrent à la surface de ces amoncellements.
Tous, sauf un seul, se libérèrent de leur prison rocailleuse.
Ce "seul" qui ne put s'extirper était Loup Ardent. L'un des plus talentueux chasseurs. Et surtout, le plus courageux de tous les guerriers de la tribu. On ne comptait plus le nombre fois où il avait secouru un frère en danger. Autant il était grand dans son agir, autant il était simple dans son Être. D'une année à l'autre, l'ampleur de ses exploits n'avait de plus impressionnante que la manière que les anciens parlaient de lui. Il pouvait courrir sur l'eau, flotter dans les airs, bondir par plus de cents pas de mocassins... Il était, pour eux, une légende vivante.
Mais là, c'est sous un immense rocher qu'il allait rejoindre le territoire du Grand Manitou...
Le vieux sachem, Bison Blanc, le veuilla toute la nuit, en invoquant la bonté du Grand Manitou pour qu'il l'acceuille en son territoire. Et pendant toute cette nuit là, les hurlements de loups se firent écho comme s'ils avaient compris qu'un des leurs ne serait plus.
Le matin suivant, le vieux sorcier rassembla la tribu. Et il leur annonca...
"Cette nuit, j'ai fait un songe étrange et en mon songe, Notre Mère La Terre, et son fils, Le grand Manitou, sont venus me voir et me dire... Me dire que nous devions placer ce rocher sur le flanc de la Montagne, au devant de nos wigwams. Il nous protégera désormais des colères de la Montagne. Ainsi m'ont-ils parlé. J'ai dit."
Et ils firent ainsi que l'avait dit le vieux Bison Blanc.
Et ils honorèrent le valeureux Loup Ardent comme il se devait.
Longtemps après cela, apès que la Montagne eut bien d'autres colère, après que chaque fois la tribu fut épargnée, le petit Canard Rusé demanda au très vieux sachem pourquoi il en avait été ainsi ??
"Parce que le rocher nous a protégé..."
"Pourquoi, comment ???"
"Parce que dans ce rocher, il y a l'âme du Guerrier"...
Je me souviens encore des paroles de ma grand-mère...la dernière fois où elle me l'a raconté...
"Tu sais petit papoose, même dans le plus petit objet qui soit, tu peux y mettre une âme de guerrier qui protégera ceux que tu aimes... Si tu le souhaites assez fort, elle y sera..."
Il m'a fallu bien des années pour comprendre le sens de ces paroles.
Et puis un jour j'ai compris...
Et j'ai souhaité très fort.....
papemich-2003