COMMENT VAS-TU ?

 

Comment vas-tu ?  À chaque jour quelqu'un nous pose cette badine question. Généralement, l'étiquette ou l'habitude nous pousse à répondre nonchalamment " ça va, ça va ". Parfois, lorsque nous sommes en pleine forme ou de très bonne humeur, nous nous exprimons joyeusement par des formules plus convainquantes : " ça va très bien ", " ça va super ".

Qu'en est-il lorsque je suis mal disposé, malade, inquiet,  harassé par des problèmes de cœur, de relations difficiles avec un enfant, un conjoint, un proche ? À moins de rencontrer un ou une amie intime, nous sommes  enclins à camoufler notre peine, nos malaises, nos difficultés. Est-ce faire preuve de réserve, de discrétion, de pudeur ou d'orgueil? Bien souvent nous n'avons pas le goût de raconter nos mésaventures ou de nous  plaindre. Nous évitons ainsi de livrer nos états d'âme à qui que ce soit  et préférons demeurer dans notre silence parfois étouffant.

Depuis  que je suis atteint du cancer, je suis souvent pris face à ce dilemme. Faire semblant que ça va bien ou surprendre l'autre par un non clair ou une confidence désarmante qui  laisse parfois mon interlocuteur  bouche bée.  Lorsque le contact me l'inspire, j'aime parfois surprendre ainsi, parce que cela permet d'amorcer une conversation intéressante sur le sens de la vie, les valeurs  qui nous animent. Le plus difficile et le plus  important,  c'est d'éviter de tomber dans le piège des lamentations, de la pauvre victime et de s'identifier à sa maladie. Il n'y a pas de fierté, ni de honte à être malade ou vivre des problèmes. Par contre, ceux-ci devraient représenter des expériences stimulantes en autant que nous sachions en découvrir toujours plus sur nous mêmes, les autres et les valeurs qui nous animent.

Depuis un an, j'ai beaucoup lu, recherché sur les processus mentaux et les chemins possibles de guérison. J'ai mis ma confiance dans bien des moyens, comme le pouvoir de l'esprit, la méditation, la  visualisation, la prière, l'écriture et même la peinture. Malgré un  diagnostic pessimiste, j'espérais une guérison possible en acceptant un  traitement expérimental à Montréal pendant six mois. .

Mais voilà qu'après quatre mois de traitements, la chimio a aggravé mon état physique  et a même miné périodiquement mon moral. Je vous ferai grâce de tous ces effets secondaires mais quand le corps faiblit et perd toutes ses énergies d'antan, on en vient à douter de tout ce qu'on a tenté comme moyens de survie et intégré comme croyances et espérances.  En me référant à bien des exemples et des expériences de centaines de personnes, je croyais pouvoir me guérir rapidement et ressortir comme un survivant fier de son coup. Mais voilà qu'aujourd'hui, je me retrouve physiquement à la case départ.

Toutefois, je suis fier  du chemin parcouru et je m'accroche encore à toutes mes convictions acquises, parce qu'elles m'ont permis de vivre intensément et me donnent la force pour affronter le futur quel qu'il soit. J'aimerais bien, comme l'enseignent bien des bouquins  que  j'ai lus, contrôler mon corps, chasser la maladie, la douleur, commander le  sommeil qui ne vient pas. Le plus souvent le corps s'entête et agit selon des mécanismes psychosomatiques bien ancrés dans notre nature depuis des millénaires. Cependant, je  retiens que malgré toutes nos afflictions, l'esprit peut demeurer le maître incontesté de notre demeure sacré. Voici un petit extrait de mes états d'âme lors d'une épisode difficile.

Même avec l'imaginaire des pensées,
De rêves de randonnées, de liberté,
Quand la douleur demeure envahissante,
Que reste-t-il à ce corps de souffrance,
Si non, son âme immortelle
Qui pourrait apaiser dans la compassion,
L'angoisse et le désespoir d'une issue.
Comment gravir cette échelle de la vitalité,
Quand l'esprit  tarde à se libérer des plaintes
De celui qui prétend être l'hôte,
Alors qu'il n'est qu'un visiteur passager.
Quand mon  esprit  prendra place sur son siège,
Défiant la fragilité de la chair et des os,
Alors la maladie se fera docile et soumise,
Car elle n'est qu'une condition de l'existence humaine.

Voilà un beau rêve, une noble aspiration de mon esprit. Je crois que c'est une quête possible, parce que j'ai côtoyé des êtres superbes, qui en toute sérénité  témoignent, malgré leur situation pénible, d'un goût  de vivre, d'une attention à leurs proches  et à toutes les beaux moments de leur quotidien.

Aujourd'hui, je voudrais vous inviter à être bien à l'aise pour exprimer votre état d'âme lorsque ça ne va pas,  mais surtout pour être  également à  l'écoute des autres  lorsqu'ils  expriment par leurs paroles ou leur physionomie, leurs maux ou leur mal de vivre. Après l'écoute, un message d'amour et d'espoir est le plus beau cadeau que vous puissiez offrir. Et même  lorsqu'arrive la fin d'un  parent , d'un ami, les rapprochements affectueux et les confidences intimes sont des moments sublimes et inoubliables.

Finalement, la mort, malgré les douleurs de la séparation, demeure  toujours une belle issue pour la personne qui s'en va, parce qu'elle est l'annonce d'une paix et d'une vie nouvelle quand on a acquis cette foi.  

 

Guillaume

01-2002

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