DE LA SANTÉ ET DE LA MALADIE,

DES BIEN-PORTANTS ET DES MALADES

Petite préface ajoutée par PAPEMICH

Je me permets d'ajouter cette petite préface pour vous inviter à bien prendre le temps de lire et relire cette merveilleuse réflexion de mon ami Guillaume.  L'observation qu'il porte sur l'univers des relations interpersonnelles et sur les sentiments profonds qui existent entre les bien-portants et les malades est empreinte de justesse, de vérité et d'humanisme.  Merci mon ami de nous faire partager  ainsi ta sagesse.

J'écris cette réflexion, parce qu'un jour ou l'autre, nous serons tous confrontés à notre  propre maladie ou à celle d'un parent ou d'un ami. Depuis deux ans, j'ai eu maintes occasions de côtoyer des personnes atteintes de cancer, soit dans les salles d'attente des hôpitaux, dans les salles de traitement, à l'hôtellerie de la Fondation québécoise du cancer ou  dans les groupes de soutien à Sentier-Nouveau. Je  constate que les grandes épreuves et les grandes douleurs, tout comme  les divergences de pensées et d'intérêts,  peuvent autant rapprocher que séparer des êtres unis depuis longtemps. Combien de fois mettons-nous en balance notre bien-être, nos plaisirs, nos fantaisies avec les malheurs et  les nécessités de nos proches ?  

La maladie crée une grande solitude, quand, par un manque  de dialogue ou de compréhension, elle sépare des couples de tous âges, disloque des liens familiaux et des amitiés fragiles. Combien y a-t-il de soi-disantes âmes sensibles, qui ne visitent pas leurs proches, sous prétexte qu'elles sont incapables de faire face à leurs souffrances,  leur cœur ne  pouvant supporter le visage de la douleur ou de la misère ? Sans porter de jugement sur personne, s'agit-il alors d'une façon bien simple de se protéger de tout ce qui  perturbe sa quiétude, son petit bonheur quotidien ? Il est plus réconfortant de se réfugier sous sa carapace ou de regarder à distance, sans  voir et sans ressentir la souffrance des autres. Beaucoup de personnes atteintes du cancer m'ont révélé leur indignation de se voir ignorer ou dévisager comme des personnes contagieuses. La maladie, vécue dans des silences  craintifs,  creuse des fossés d'incompréhension, des murs de lassitude et d'amertume. Certains  s'enorgueillissent  et  se considèrent supérieurs  quand ils sont en santé, alors que celle-ci  n'est qu'un privilège. Les bonnes habitudes peuvent favoriser la santé, mais elles n'offrent aucune garantie.

Heureusement, pour plusieurs, la maladie nourrit aussi de vraies amitiés et en génère des nouvelles tout aussi merveilleuses, à la condition que les rapports et les communications se déroulent  dans la clarté de la vérité où se mélangent les  cris du cœur et des silences complices et affectueux. Les malades, tout comme les soignants et les proches, ont des responsabilités mutuelles. Nous serons dans la maladie ce que nous sommes dans la santé. C'est une occasion d'apprentissage et de croissance pour chacun de nous. Dans toute épreuve on peut facilement s'enfermer, devenir grincheux, exécrable, exigeant envers les  soignants et ses proches. C'est un danger qui guette tous les malades. Pour les bien-portants, il est aussi dangereux de prendre les exigences du malade comme des caprices. Toutefois, Bernie Siegle  nous enseigne à foncer, à exiger les services requis avec ténacité tout en respectant les soignants. Il est important de dire ce qui nous gêne, nous heurte et éviter les replis sur ses secrets, ses angoisses et ses impuissances. Même si la vérité est souvent laborieuse à aborder, il  ne sert à rien  de tenter de rassurer quand cela sonne faux.

La maladie peut nous transformer, nous plonger dans  des contrées parfois inaccessibles à nos proches. Dernièrement, j'ai rencontré une dame qui, trois fois semaine, depuis cinq  ans, reçoit des traitements d'hémodialyse. Elle bénissait Dieu pour tout ce qu'elle avait découvert et vécu de sublime dans sa maladie. Un autre tantôt, je l'aurais déclarée un peu folle, mais, aujourd'hui je la  comprends. Ne demeurons pas cloisonnés dans notre monde,  ouvrons les portes de notre  coeur, étalons la vérité pour que cessent la gène et  la peur des maladresses. Si vous  ne savez  pas quoi  dire, c'est que sans doute, il n'y a rien à dire. Le malade vous demande simplement d'être là, d'être vrai, naturel, de lui prendre la main, de lui parler de vous, de vos inquiétudes, de vos succès, de vos espérances, de lui apporter un peu   de votre bonne humeur.

D'autre part, le défi pour la personne malade, c'est de ne pas  emprisonner ses proches dans son destin, en  contrôlant leurs libertés de mouvement, de sorties, en les privant de leurs plaisirs légitimes. Accepter la maladie, ce n'est pas sombrer dans la stérilité et la résignation.. "C'est vivre passionnément  et acquérir l'intelligente connaissance de ses possibilités, c'est consentir à partager le fruit de ses sacrifices et de ses découvertes. L'être qui se spiritualise dans la maladie risque d'évoluer dans une zone invisible à ceux qu'éblouissent les seuls avantages terrestres.  La  vigueur morale et spirituelle peut grandir malgré tous les fléchissements du corps". (F.Pastorelli)  Il faut donc bannir de notre bouche les expressions, " il est fini, il n'est plus bon à rien ". C'est dans les grandes souffrances  que les malades (même les petits enfants) et les mourants livrent les meilleures leçons de vie. La vraie grandeur   d'une personne ne se mesure pas au nombre de ses actions, mais à ce que qu'elle est  avec les moyens dont elle dispose. Nous pouvons toujours être une source où les personnes qui nous côtoient  viennent puiser des énergies.

 " Que personne vienne  à  vous, sans repartir joyeux " (Mère Thérésa).

" Au meilleur amour de comprendre… celui qui ne comprend pas ". (France Pastorelli)

 

Guillaume     (6 avril  2002)

 Cette réflexion a germé de mon expérience personnelle et du volume de France Pastorelli, Servitude et grandeur de la maladie, Éd. Du Cerf 1968. Il n'est plus disponible en librairie.

  Bernie S. Siegle, L'amour, la médecine et les miracles, Édi.  J'ai lu, 1989

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